Et qu’était Aboulafia, avec sa réserve secrète de files ? L’écrin de ce que Belbo savait, ou croyait savoir, sa Sophia. Il choisit un nom secret pour pénétrer dans les profondeurs d’Aboulafia, l’objet avec quoi il fait l’amour (l’unique) mais ce faisant, il pense simultanément à Lorenza, il voudrait pénétrer dans le cœur de Lorenza et comprendre, de même qu’il peut pénétrer dans le cœur d’Aboulafia, il veut qu’Aboulafia soit impénétrable à tous les autres de même que Lorenza lui est impénétrable, il s’imagine connaître et conquérir le secret de Lorenza de même qu’il possède celui d’Aboulafia...

J’étais en train d’inventer une explication et je m’imaginais qu’elle était vraie. Comme pour le Plan : je prenais mes désirs pour la réalité.

Mais comme j’étais ivre, je me remis au clavier et tapai SOPHIA. La machine me redemanda poliment : « Tu as le mot de passe ? » Machine idiote, même à la pensée de Lorenza tu n’es pas saisie d’émotion.

Alors, par haine envers Aboulafia, à la énième obtuse demande (« Tu as le mot de passe ? ») je répondis : « Non. »

L’écran commença à se remplir de mots, de lignes, d’indices, d’une cataracte de propos. J’avais violé le secret d’Aboulafia.